Fondement de cette responsabilité :

Un professionnel de la santé voit sa responsabilité engagée lorsqu’il commet une faute, selon les dispositions de l’article L.1142-1 du code de la santé publique :
« Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de la santé mentionné à la 4ème partie du présent code, ainsi que l’établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins, ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute ».
Un médecin voit sa responsabilité professionnelle engagée parce qu’il a commis une faute.

Cette faute peut être une « perte de chance ». Elle correspond à la disparition d’une éventualité favorable de guérir, voir son état de santé s’améliorer ou éviter un risque d’une intervention ou d’une complication pouvant mettre sa vie en danger, à la suite d’un manquement de ce praticien à ses obligations.
La Cour de Cassation retient que « seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable (Cour de cassation -chambre civile 1- 21 novembre 2006 -N° de pourvoi: 05-15674 -Publié au bulletin Cassation.). Ce doit être une probabilité certaine.
Cette même cour retient que la réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. (Cour de cassation -chambre civile 1 -9 avril 2002 -N° de pourvoi: 00-13314 -Publié au bulletin

Dans notre cas, après une opération de la cataracte, il a été reproché au praticien d’avoir utilisé un protocole ophtalmique lors de l’examen du 2ème jour post opératoire qui ne correspondait pas aux règles édictées par les données actuelles de la science et celles en vigueur au moment des faits.

Ce praticien n’a pas procédé à la recherche biologique de l’infection potentielle générée par l’état inflammatoire à trois croix TYNDALL, c’est-à-dire très forte inflammation, sans délai et le faire hospitaliser dans une clinique ou un centre hospitalier pour le placer dans un milieu sécurisé de soins.

En effet, selon les données de science actuelle, en cas d’infection oculaire survenant immédiatement après une opération qui est extrêmement grave, surtout lorsqu’il s’agit d’infection à streptocoques où le pronostic est extrêmement mauvais, la règle impose de faire immédiatement un examen ophtalmologique spécialisé sans aucun retard.

Une telle faute est reprochée tant au praticien spécialiste qu’au généraliste, car une douleur post opératoire qui survient deux jours après une opération de cataracte est un facteur de risque gravissime d’évolution péjorative. Ce risque est connu de tous les professionnels de la santé.

Il y a donc eu dysfonctionnement et la responsabilité doit être retenue selon les termes du présent article, pour la faute qui est une « perte de chance indiscutable par le patient pour sa prise en charge thérapeutique d’une éventuelle complication infectieuse connue et redoutée.
Cette décision confirme un arrêt de la Cour de Cassation :
«… la perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable, de sorte que ni l’incertitude relative à l’évolution de la pathologie, ni l’indétermination de la cause du syndrome de détresse respiratoire aiguë ayant entraîné le décès n’étaient de nature à faire écarter le lien de causalité entre la faute commise par M. Y…, laquelle avait eu pour effet de retarder la prise en charge de Claire X…, et la perte d’une chance de survie pour cette dernière » (Cour de Cassation- Chambre civile- 14 octobre 2010-pourvoi n°09-69195- Publié au bulletin Cassation).

Le Tribunal de Grande instance de Nîmes a fixé un taux de réparation à la charge des deux praticiens et du patient, en tenant compte du degré plus ou moins important dans la participation de chacun des trois dans la réalisation du dommage. Pour ce faire, elle s’est fondée sur l’idée de « probabilité réelle », comme visée dans les différents arrêts de la Cour de Cassation.