L’article 2 de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 , repris dans l’article 1240 du code civil déclare :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

La loi du 5 juillet 1985 dite « Loi Badinter » dont le titre significatif : « Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation » réglemente impérativement et exclusivement dans le cadre d’accident de la circulation en fixant les modalités d’indemnisation des victimes.

Article 1 : « Les dispositions du présent chapitre s’appliquent, même lorsqu’elles sont transportées en vertu d’un contrat, aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres. »

Article 2 : « Les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d’un tiers par le conducteur ou le gardien d’un véhicule mentionné à l’article 1er. »

Article 3 : « : Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident. Les victimes désignées à l’alinéa précédent, lorsqu’elles sont âgées de moins de seize ans ou de plus de soixante-dix ans, ou lorsque, quel que soit leur âge, elles sont titulaires, au moment de l’accident, d’un titre leur reconnaissant un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité au moins égal à 80 p. 100, sont, dans tous les cas, indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis. Toutefois, dans les cas visés aux deux alinéas précédents, la victime n’est pas indemnisée par l’auteur de l’accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu’elle a volontairement recherché le dommage qu’elle a subi »

Cette loi détermine la notion d’accident de circulation, d’implication de véhicule à moteur dans la réalisation du dommage, fait la distinction entre la réparation du dommage physique et celui sur les biens et entre les différentes victimes.

1. Son principe est : « toute victime a droit à indemnisation »
Ce principe est limité par le comportement de la victime dans la réalisation de son dommage, la qualité de conducteur victime et de victime non conducteur et la qualité de la victime vulnérable. La victime vulnérable est visée dans l’alinéa 2 de l’article 3 de la loi. Les autres victimes sont les piétons, cyclistes, cavaliers, passagers.La jurisprudence de la Cour de Cassation détermine la notion de conducteur victime, de victime non conductrice.

2. Les limitations de son droit :
Aucune faute ne peut lui être opposée, sauf exceptions.
Une faute inexcusable peut être opposée à la victime non conductrice, sauf pour la victime vulnérable. Une faute intentionnelle avec conscience du danger peut lui être opposée. C’est le cas de la victime vulnérable qui se suicide en se jetant sous un véhicule.
Cette faute doit être exclusive. Le piéton commet cette faute lorsqu’il escalade une balustrade pour s’engager sur une voie d’autoroute lorsque des véhicules y circulent, ou qu’il s’allonge volontairement sur une voie de circulation fréquentée, en état d’ébriété, de nuit et en un lieu dépourvu d’éclairage public (Civ. 2e, 28 mars 2013, pourvoi n° 12-14.522). Dans ce cas, la victime a commis une faute inexcusable, cause exclusive de l’accident.Cela ne sera pas le cas si le véhicule roulait à une vitesse excessive : Civ.2è 4 juillet 1990, n°89-14.803, GP 1990, Pan.209- Civ.2è, 13 février 1991, n°89-10.054, Bull.civ.II, n°50.
Cette faute doit avoir contribué à la réalisation de son dommage. Dans ses arrêts en date du 6 avril 2007, l’Assemblée plénière de la cour de cassation a retenu qu’une faute de la victime ne pouvait lui être opposée pour exclure ou limiter son droit à réparation de son dommage subi, si cette faute n’avait pas contribué à la réalisation de ce dommage. (Cass-Ass.Plén.6 avril 2007 n°05-81350-1ère espèce- la victime avait bien commis une faute en ayant 0.85g/l de sang mais ceci n’avait pas contribué à la réalisation de son dommage par conséquent, cette faute ne pouvait lui être opposable).

3. Portée du droit à réparation :
Le principe que toute victime non conductrice a droit à réparation est acquis, « Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident ». Soit qu’elles sont indemnisées, soit qu’elles en sont privées. Les auteurs, coauteurs et complices de vol n’ont droit à aucune à aucune indemnisation.
Cette faute commise par la victime, conducteur, piéton, passager, cycliste, et qui a contribué à la réalisation du dommage, a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages aux biens qu’elle aura subis. C’est ici qu’apparaît la véritable restriction en faisant une distinction entre le dommage physique et le dommage sur les biens. En cas de faute son droit à la réparation des atteintes aux biens est exclu.
Une même victime pourra donc être intégralement indemnisée de son préjudice corporel et conserver intégralement à sa charge son préjudice matériel. La jurisprudence de la cour de cassation nous donne quelques exemples : le cycliste qui ne respecte pas le stop, le piéton qui traverse en courant une simple route départementale non éclairée, de nuit même si un passage souterrain existe à proximité (Civ. 2e, 11 avril 2002, n° 00-12.808, JA 2002. 287), le piéton qui se maintient au milieu d’une route départementale afin d’arrêter un automobiliste et de se faire prendre en stop (Ass. plén., 10 novembre 1995, n° 94-13.912, Bull. civ. II n° 6).

Les fournitures et appareils délivrés sur prescription médicale (prothèses, lunettes etc.) sont par exception soumis au régime d’indemnisation applicable aux dommages résultant des atteintes à la personne.

La Cour de Cassation a donné une définition très large de la faute inexcusable pour permettre au plus grand nombre des victimes d’être indemnisées.
La faute inexcusable doit être volontaire, c’est à dire que son auteur était en état d’apprécier les conséquences et l’étendue de sa faute, d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience. (Civ. 2e, 20 juillet 1987, 13 arrêts, n° 86-16.287 et s., Bull. civ. II, n° 160, JCP 1988. I. 3332 ; Ass. plénière, 10 novembre 1995, n° 94-13.912, Bull. Ass. plénière., n° 6, D. 1995. 633, rapp. « Y. Chartie).
Elle exclut les simples négligences ou imprudences. Elle vise les cas de comportement impardonnable ou une accumulation de risques pris par elle. Cette conscience du danger est appréciée in abstracto ou par configuration particulièrement dangereuse des lieux ou à l’évidence du danger qu’elle encourait (Crim., 12 mai 1993, n° 92-82.535.).
Mais surtout, cette faute doit avoir été la cause exclusive dans la réalisation de son dommage. La jurisprudence en a donné une notion très restrictive. C’est le cas lorsque l’automobiliste impliqué a commis lui-même une faute qui a contribué à la réalisation du dommage telle qu’une vitesse excessive (Civ. 2e, 4 juillet 1990, n° 89-14.803, Gaz. Pal. 1990. Pan. 209) ou une manœuvre perturbatrice comme le changement de direction (Art R412-10), ne pas rester sur sa file de circulation (Art. R412-24), le non-respect des obligations pour effectuer un dépassement (Art. R414-4), le dépassement par la gauche ( Art. R414-6 à 8), telles que définies par le code de la route.
Dans sa décision en date du 6 avril 2007 n°555, n°05-81.350, l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation a retenu que la faute de la victime ne pouvait lui être opposée car elle n’a pas contribué à la réalisation du dommage :
« l’arrêt retient que, si le fait qu’Hervé Z… ait présenté un taux d’alcoolémie de 0,85 gramme par litre de sang au moment de la collision constitue bien une faute, celle-ci ne peut être de nature à limiter ou exclure son droit à réparation que s’il est démontré qu’elle a joué un rôle causal dans la survenance de l’accident ; qu’en l’espèce, il ressort des procès-verbaux de gendarmerie ainsi que des déclarations des témoins que le temps d’arrêt marqué par le conducteur de l’automobile au signal « stop » a été bref et manifestement insuffisant pour permettre d’apprécier la visibilité de l’axe à traverser ; qu’il est par ailleurs établi que le point d’impact se trouve situé sur la partie avant gauche du véhicule de M. X…, ce qui démontre que la victime progressait effectivement dans le couloir de circulation qui lui était réservé ; Attendu qu’en l’état de ces constatations et appréciations, d’où elle a pu déduire l’absence de lien de causalité entre l’état d’alcoolémie d’Hervé Z… et la réalisation de son dommage, la cour d’appel a refusé, à bon droit, de limiter ou d’exclure l’indemnisation des ayants droit de la victime »

Cette faute doit avoir rendu l’accident inéluctable (Civ. 2e, 29 mars 1989, n° 88-84.071, Gaz. Pal. 1989. Pan. 173 ; Civ. 2e, 13 février 1991, n° 89-10.054, Bull. civ. II, n° 50).

C’est à partir l’analyse de sa jurisprudence que l’on peut apprécier les caractéristiques de la faute à opposer à la victime pour limiter la portée de son droit à réparation. La Cour de cassation tend à n’admettre la faute inexcusable que dans des situations exceptionnelles.
Dans le cadre d’un accident où intervient un animal et qu’il l’a provoqué, la Cour de Cassation considère que l’irruption de cet animal sur la voie de circulation n’est plus un cas imprévisible, irrésistible et extérieur au conducteur (Cass.civ.2, 11 janvier 2007, pourvoi 05-21551) et ne peut dans ce cas exclure la responsabilité du conducteur du véhicule impliqué.

Sa faute peut contribuer à la diminution sinon à l’exclusion de son droit à indemnisation (Cass.civ.2, 28 mars 1974, pourvoi 72-14653, Bull. Ch. Civ. 2, n°. 114 p. 96). Elle peut être la vitesse du véhicule car qui les tribunaux en déduisent qu’il a pu contribuer à l’empêcher de maîtriser son véhicule. Cette faute doit être appréciée comme déterminante dans les causes et les conséquences de l’accident (Cass.crim., 25 septembre 2001, pourvoi 01-80100, Bull. crim. 2001, n° 188 p. 605). Cela peut être le défaut de maîtrise de son véhicule (CA Besançon, 17 décembre 2002, Juris-data 220562 ; CA Nancy, 26 février 2004, Jurisdata 264112) ou le déport de son véhicule sur l’autre voie de circulation (CA Orléans, 20 octobre 1997, Juris-data 045931).
Un cheval accompagné par son maître qui le tient par son licol est considéré comme étant un animal, au même titre que le chien tenu en laisse. Son maître, gardien a la qualité de piéton. L’animal n’est pas divagant selon les dispositions de l’article Art. L. 211-23. :
« – Est considéré comme en état de divagation tout chien qui, en dehors d’une action de chasse ou de la garde ou de la protection d’un troupeau, n’est plus sous la surveillance effective de son maître, se trouve hors de portée de voix de celui-ci ou de tout instrument sonore permettant son rappel, ou qui est éloigné de son propriétaire ou de la personne qui en est responsable d’une distance dépassant cent mètres. Tout chien abandonné, livré à son seul instinct, est en état de divagation, sauf s’il participait à une action de chasse et qu’il est démontré que son propriétaire ne s’est pas abstenu de tout entreprendre pour le retrouver et le récupérer, y compris après la fin de l’action de chasse. »

La question se pose pour des situations fréquentes à la campagne.
Un piéton pilote son cheval et marche à ses côtés, le tenant par son licol. Il doit traverser une route de circulation publique à double sens et 4 voies séparées d’un terre-plein. Il se fait assister d’une tierce personne. Cette tierce personne porte le gilet réglementaire et surveille la circulation routière pour laisser passer les véhicules et permettre au piéton et au cheval de traverser en toute sécurité. Cette traversée est située à un carrefour formé par cette route et deux chemins ruraux, dans une zone rurale. Il n’existe aucun passage pour piéton. Cette traversée se fait en deux temps en fonction des véhicules qui se présentent. Après s’être arrêté sur le terre-plein pour vérifier si la voie était libre, au moment où le groupe s’apprête à s’engager sur la 2ème partie de la route sens de la circulation de sa droite vers sa gauche, à hauteur de la voie située le long du terre-plein, il est violemment percuté par un véhicule venant de la droite, alors qu’il roule sur sa voie de gauche longeant le terre-plein, en dépassant un tracteur qui roule devant lui, ignorant la présence du piéton engagé sur la voie de gauche.

Peut on dire que ce piéton a commis une faute inexcusable ? cause exclusive ? liée à la réalisation de son dommage ?
Lors de la collision, le piéton et son cheval se trouvaient sur la voie extrême gauche longeant le terre-plein, sens droite vers gauche. Il a procédé à un dépassement dans un carrefour. Il s’est porté sur sa voie de gauche alors que sa voie de circulation est celle de droite. Il a effectué cette manœuvre perturbatrice sans vérifier si un obstacle existait sur sa voie de dépassement. Si ce conducteur n’avait pas effectué cette manœuvre sans prendre les précautions requises par le code de la route et était resté sur sa voie droite de circulation, le choc n’aurait pas eu lieu. Dans ce cas ne peut-on pas soutenir, selon l’esprit de l’arrêt du 6 avril 2007, que l’éventuelle faute qu’aurait pu commettre le piéton ne peut être de nature à limiter ou exclure son droit à réparation global (dommage physique et dommage sur les biens) puisqu’il n’est pas démontré qu’elle a joué un rôle causal dans la survenance de l’accident ?